Le milieu des jeux en ligne et de l’e-sport rassemble aujourd’hui des centaines de millions de passionnés, avec une proportion croissante de joueuses. Pourtant, les femmes y rencontrent fréquemment un climat hostile. Plusieurs enquêtes récentes mettent en évidence cette réalité : 40 % des joueuses françaises déclarent avoir déjà essuyé des insultes ou menaces à caractère sexiste en ligne. Face à ce constat, l’enjeu est clair : il faut mettre en place des mesures concrètes pour que les joueuses puissent évoluer dans un environnement numérique respectueux et sécurisé.
Harcèlement, sexisme et intimidations : des chiffres alarmants
Le sexisme dans les communautés de jeu n’est pas anecdotique : il constitue un véritable obstacle. Le Conseil de l’Europe rappelle d’ailleurs que la cyber-violence contre les femmes peut prendre de nombreuses formes et affecte particulièrement certaines catégories, dont les joueuses de jeux vidéo. Dans la pratique, les joueuses rapportent un panel d’abus : remarques dévalorisantes sur leur niveau de jeu, injures sexistes, moqueries sur le physique ou sur le comportement, jusqu’à des menaces explicites. D’après une enquête IFOP, près de 4 Françaises sur 10 ayant fréquenté des jeux vidéo en ligne ont subi des propos sexistes.
Le phénomène #GamerGate (2014) avait par exemple mis en lumière des campagnes massives de harcèlement antiféministe dans le jeu en ligne. En Europe, elles ne représentaient par exemple que 25 % des joueurs en ligne en 2024, signe d’un déficit de participation qui reflète en partie les difficultés rencontrées. Une analyse citée par le Forum économique mondial montre qu’au moins 77 % des joueuses dans le monde ont été confrontées à des discriminations basées sur le genre durant leurs sessions de jeu. D’une manière générale, les femmes sur Internet sont confrontées à un rapport de force très défavorable. Elles sont 20 % moins nombreuses que les hommes à utiliser Internet, mais 27 fois plus susceptibles d’y subir du harcèlement ou des discours haineux.
Rôle des plateformes et modération
La création d’un environnement sûr dépend en grande partie des plateformes et opérateurs qui administrent ces jeux. Sur leurs serveurs comme dans leurs salons de discussion, elles doivent appliquer des règles de conduite strictes et des outils de modération efficaces. Désormais, une femme doit pouvoir se sentir en sécurité, qu’il s’agisse de jouer en groupe sur Fortnite (tir, survie, bataille), en mode multijoueur sur Final Fantasy (quêtes, donjons, guildes) ou encore sur la version aviator premier bet (jeu de crash sur mobile). En pratique, cela signifie mettre en place une charte de la communauté claire, et communiquer sans ambiguïté sur les comportements tolérés ou non.
Ces politiques de modération doivent être transparentes afin que chaque joueur comprenne clairement les conséquences en cas de harcèlement. Plutôt que de se contenter de filtrer le contenu inapproprié après coup, on peut repérer proactivement les signaux (comportements récurrents, profils suspects, etc.) et intervenir en amont. Les plateformes doivent également fournir aux joueuses des mécanismes de signalement accessibles et efficaces (un bouton “report” réactif), ainsi que des options d’auto-protection : filtres de chat, anonymat partiel, modération des discussions vocales, etc. Selon le WEF, 59 % des joueurs adultes estiment qu’il faut plus de régulation pour améliorer la transparence sur la manière dont les entreprises luttent contre la haine en ligne.
Bonnes pratiques et initiatives mondiales
Au-delà des plateformes elles-mêmes, plusieurs initiatives cherchent à améliorer la situation. Des associations spécialisées (comme Women in Games France, Game’Her, Afrogameuses, etc.) organisent des ateliers de sensibilisation, du mentorat et des événements sécurisés pour les joueuses. Des collaborations entre l’industrie et des ONG existent également. Par exemple, la Global Alliance for Responsible Media, soutenue par le Forum économique mondial, réunit entreprises et responsables politiques pour établir des protocoles de sécurité numérique à grande échelle. De même, des campagnes internationales (Stop Sexism, journées de sensibilisation, chartes éthiques) visent à changer la culture générale du jeu en ligne.
Au niveau législatif, les gouvernements prennent conscience du problème. La toute récente directive (UE) 2024/1385 sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes intègre la cyberviolence comme une des priorités à combattre. Le Conseil de l’Europe recommande d’ailleurs explicitement de sanctionner le harcèlement sexiste en ligne et d’éduquer tous les acteurs (écoles, entreprises, médias) au respect du genre. Ces cadres juridiques contribuent à rendre la toile plus sûre pour les femmes en sensibilisant les utilisateurs et en facilitant le signalement des abus. Parallèlement, chaque joueuse peut s’appuyer sur des outils de prévention individuelle.